Les retrouvailles

Il accompagna Lucrezzia jusqu'à sa chambre et lui promit de revenir très vite.

Il se dirigea vers la sienne et se dévêtit rapidement. Il déposa soigneusement son équipement sur le valet prévu à cet effet. Cela le fit sourire, il avait bien changé, auparavant il aurait éparpillé un peu partout ses affaires pour parer au plus pressé.

Il avait chassé toute la journée et cela se sentait, il appuya sur le levier de la douche et se laissa emporter par le bien être que lui apportait l'eau chaude sur ses muscles endoloris. Il bénit les nains pour cette invention, il n'était pas sur qu'ils se servent beaucoup de leur découverte pour eux-même mais il fallait bien avouer qu'ils avaient du génie pour inventer de telles installations !!!

L'eau ruisselait sur son corps musclé, tandis que l'eau chaude grisait légèrement son cerveau. Il se demandait si d'autres ressentait la même chose sous une douche.

Il serait bien resté, comme à son habitude, de longues minutes ainsi mais Il ne devait pas faire attendre Lucrezzia. Il s'essuya et s'enduit le corps de ce baume huileux et miraculeux qu'il avait ramené d'Avalon. Celui-ci calmait les douleurs, nourrissait la peau et dégageait un léger parfum suave et sauvage. Il n'avait jamais trouvé son équivalent sur ces terres il en manquerait bientôt si Maraval n'arrivait pas à en trouver la formule.

Il prit des habits simples dans lesquels il se sentait bien, une chemise ample qui n'entraverait pas ses gestes, un gilet de cuir, un pantalon, des bottes souples dont une contenait une dague. Un long manteau de cuir doublé pour ne pas sentir la morsure du froid et une paire de gants.

Il ne craignait personne en combat rapproché et sa partenaire était devenue experte pour le combat à distance. Ils étaient, cependant, tous les deux hors-la-loi et une escarmouche était toujours possible.

Il jeta un oeil rapide au mirroir mais ne s'y attarda pas, Lucrezzia le connaissait très bien et elle n'accorderait que peu d'importance à sa mise vestimentaire.

Il était prêt, il jeta un oeil circulaire à ses appartements avant de sortir rejoindre la belle magicienne. Il avait passé de longues heures à tout remettre en ordre et à l'agencer pour qu'il s'y sente bien.

Il s'arrêta devant la porte des appartements de Lucrezzia et frappa à la porte...

Elle posa le livre sur le chevet, un dernier regard au miroir en ajustant sa cape avant d'ouvrir la porte.

Elle regarda Waldorf frais et dispo se demandant si elle aurais pas du faire un effort et s'accorder plus de temps pour soigner sa tenue.
*L'habit fait pas le moine...*

-Vous n'avez pas perdu de temps. Dit-elle en refermant la porte.
Elle s'attarda un instant à regarder ses yeux, esquissa un sourire.
*Avec un peu de chance on passera inaperçu dans cette nouvelle auberge.*

Elle était prête, sa longue chevelure formait une cascade ondoyante sur sa cape. Elle n'avait pas besoin d'artifice, sa beauté irradiait la pièce. Une étrange sensation l'envahit lorsque qu'elle planta son regard dans le sien mais il ne put la définir.

Le sourire qui éclaira son visage, dissipa les questions qui se bousculaient dans son esprit, il était heureux à l'avance de partager les heures qui allaient suivre avec elle.

Il lui rendit son sourire et lui tendit le bras avec une mimique, singeant légèrement les habitudes de l'aristocratie locale et lui dit :

"Avec vous à mon bras, le monde peut bien s'écrouler, je n'y prêterais pas la moindre attention...Allons donc éclairer de notre présence cette nouvelle auberge"

Waldorf était de bonne humeur, ce qui annonçait une soirée détendue bien que dans son esprit une ombre planait toujours.

Elle avait fait en sorte de ne plus y penser depuis leur rupture, mais maintenant qu'il était là, aussi proche d'elle, elle ne pouvait nier les sentiments qu'elle éprouvait encore.
*Profite du temps qu'il t'accorde ... Même si son cœur appartient a une autre c'est avec toi qu'il veut diner *

Sur un ton qui se voulait détaché et en passant sa main sous le bras offert.

-Comme il vous plaira ... pourvu que votre bras ne soit jamais fatigué. Elle ne pu retenir son rire.
-Où est mon carrosse ?

le contact de sa main sur sa peau le fit frémir intérieurement. Il essayait de refouler les souvenirs d'ébats charnels qui assaillaient son esprit. Il se ressaisit comme il put en se persuadant qu'il ne s'agissait que d'un manque physique. Son esprit fit semblant d'accepter cette explication...

Il inspira lentement, reprenant lentement le dessus sur l'envie qu'il avait de refermer la porte et d'attirer Lucrezzia vers le grand lit...

#l'attente multiplie le plaisir, parait-il...nous verrons bien# pensa t-il.

Elle souriait, visiblement heureuse, elle aussi, de passer un moment ensemble.

"Un carosse...,mais bien sur, quelle bonne idée. Allons donc voir Ivan je suis sur qu'il nous trouvera ça"

Il entraina Lucrezzia à l'extérieur des ses appartements et ne put réprimer un sourire en refermant la porte.

Il pensa
#comme quoi l'esprit peut l'emporter sur la chair avec un peu d'effort...#

Il se dirigèrent tous les deux vers la porte d'entrée, jouant toujours les aristocrates et marchant comme si le monde leur appartenait, sous le regard interrogatif des Avalonniens présents sur leur trajet.

Ivan les suivait du regard avec un mince sourire aux lèvres, il leur dit :
"Je suppose qu'il est inutile de vous proposer une escorte ?"

Devant nos regards stoïques il poursuivit :
"bien, je m'en doutais, mais au moins acceptez de monter dans ce carrosse que nous avons trouvé lors de la prise du chateau. J'ai fais éffacer les armoiries précédentes pour y place les nôtres. Mais personne ne l'utilise jamais et cela me ferait plaisir si vous vouliez bien en profiter. De plus il va neiger et le vent se lève...."

Wal se retenait de rire et tentait de garder un visage aussi guindé que possible, Ivan n'était surement pas dupe mais autant s'amuser le plus longtemps possible.
Il se tourna vers Lucrezzia et lui dit :

"Qu'en pensez vous, très chère, ce moyen de locomotion vous sied-t'il ?"

-Parfait !

Un carrosse tiré par six coursiers attendait dans la cour du château.
*Un carrosse digne d'un Roi. *Pensa t-elle.

Elle put à loisirs examiner sa beauté et sa finesse.
A l’intérieur, des rideaux pourpres ne laissaient rien entrevoir.

Le cocher descendit de son siège pour ouvrir la portière et baissa le marchepied.
Soulevant sa robe d'un geste gracieux, elle s'y engouffra.
Waldorf la suivit après quelques consignes au cocher, puis la portière se referma sur eux.
Le fouet claqua dans l'air et l'attelage jaillit par le portail dans un fracas de fer.

L'euphorie de Waldorf était contagieuse, et leur attitude avait fait sourire de nombreux Avalloniens sur leur passage.
Ils étaient seuls maintenait, loin des regards.

Leurs regards se croisent, elle le soutient sans vaciller, sans l'ombre d'une hésitation. Leurs yeux semblent attachés par un fil invisible... La tension est palpable. L'électricité la fait frémir.
Elle laisse vagabonder son esprit sans contrainte, accepte sans retenue les pensée qui assaillent sa conscience, ne plus réfléchir à rien.
Le laisser aller où il veut libre de toute entrave.
Telle étais la disposition dont elle se trouvais en ce fin d'après-midi.

La carrosse filait vers l'auberge. Le château disparaissait au loin. Ils étaient face à face et se regardaient dans les yeux. Les pitreries étaient derrière eux, une tension palpable rendait l'atmosphère lourde.

Il décida d'agir et entrouvrit les rideaux pourpres, un magnifique coucher de soleil éclairait le ciel de couleurs chatoyantes. Il ne voulait pas parler, les mots ne reflétaient jamais totalement les sentiments.

Il se leva lentement et vint s'assoir à coté d'elle, tout prêt d'elle..... Il lui prit délicatement la main et la posa dans la sienne tandis que, de son autre bras, il l'invitait à venir poser sa tête contre son épaule pour admirer, ensemble, ce que la nature leur offrait généreusement.

Il s'étonnait lui-même de la douceur dont il faisait preuve, mais ce geste lui semblait tellement naturel...y serait-elle sensible ?

Lucrezzia sentit sa main qui était chaude, vivante, comme une véritable main et non pas glacée comme la sienne.
Son premier réflexe était de la retirer, comme si l'autre aurait pu la bruler. Elle ressentait la puissance qui sen dégageait, et la douceur dont il faisait preuve et le laissa faire.

Elle se réjouissait de la magie de ce coucher de soleil qu'elle contemplait, assise confortablement en compagnie de Waldorf, dont les yeux admiraient d'un regard fasciné le spectacle qui se jouait au couchant.
Fasciné par la vision de ce globe rouge qui donnait une couleur qu'elle avait l'impression de n'avoir jamais vu auparavant.
Ils continuèrent encore pendant plusieurs minutes leur course, les coursiers semblaient avoir des ailes.

Puis à un ordre du cocher, ils ralentirent leur cadence, il arrivaient en ville.
Elle se redressa à contrecœur.
Il était temps d'aiguiser ses sens. Ses passages en ville se faisaient de plus en rares, et pour cause, sa tête était depuis longtemps mise à prix.

Le soleil avait disparu, la nuit enveloppait lentement le paysage. Le noir happait progressivement les couleurs. Ils étaient l'un contre l'autre, ils n'avaient pas besoin de parler pour apprécier le moment présent, ils avaient regardés ensemble, la mort du soleil. Peut être verraient-ils aussi sa résurrection...

Le carrosse avait ralenti, on apercevait déjà les silhouettes fantomatiques des premières maisons d'Itix. La nouvelle auberge était un peu à l'écart du centre ville. Un carrosse attirerait, par trop, l'attention. Il était plus sage de marcher un peu.

Et, qui plus est, cela aiguiserait leur appétit. Il tapa contre la cloison pour que le cocher s'arrête. Il descendit prestement.

L'air s'était rafraichi et un silence étonnant régnait, il allait surement neiger d'ici peu. Il s'adressa à Lucrezzia

"Très chère, l'auberge est à quelques minutes et mon bras se languit de vous, marchons ensemble, voulez vous ?."

La brume humide de la ville les enveloppait. Un vent tiède charriant des nuages lourds et lents soufflait de l’ouest à travers le ciel. La lune faisant des apparitions intermittentes éclairait suffisamment pour voir.

Son corps était recouvert d’une grande cape qui descendait jusqu’aux pieds et sa tête était cachée dans une large capuche quelle tira de façon à couvrir son visage.

Ce n'était pas le froid qu'elle redoutait en ce moment, mais l'écho de pas rythmés qui arrivaient d'un peu plus loin, des pas de gardes faisant leur ronde. ...

Leurs pas cadencés résonnaient sur le sol en pierre dans la rue.
Inutile de ralentir ou essayer de passer au travers sans se faire repérer, ils n'auraient fait qu'attirer encore plus l'attention sur eux.

La première averse débuta sous forme de pluie et neige mélangées, rapidement remplacées par de gros flocons. L'auberge n'était plus très loin, on entendait déjà des bruits sourds et incompréhensibles.

Ils s'arrêtèrent devant la porte pour secouer la neige qui les recouvrait puis Waldorf poussa le battant.

Ils marchaient en silence, la neige tombait désormais à gros flocons recouvrant le sol d'un épais manteau blanc. Le paysage serait bientôt totalement différent. Il pensa à ses terres d'origine, le froid y régnait en maitre et la neige faisait partie intégrante de la vie quotidienne.

La pierre contre sa poitrine irradiait une douche chaleur qui se répandait dans tout son corps, il devait en être de même pour Lucrezzia. Ses pierres étaient une bénédiction par temps froid pour peu que deux Avalonniens soient ensemble.

Il sourit en voyant les gardes de Victor faire leur ronde tête baissée d'un pas vif, il était évident qu'ils avaient hâte d'être à l'abri. Ils étaient peu nombreux et très mal équipés dans la plaine des volants, ils ne s'aventuraient jamais au delà. Lu et lui n'avaient d'ailleurs aucune crainte, il aurait fallut bien plus de deux gardes pour ça.

Le brouhaha devant eux tranchait avec le silence extérieur, la neige étouffant les bruits. Il poussa la porte et entra, la porte était plutôt basse et il dut se pencher, sa silhouette remplissait presque entièrement l'encadrement.

Un silence relatif se fit dans la grande pièce. Il était habitué à cela, il ne se décontenança pas, scruta les éventuels dangers d'un coup d'œil circulaire et ne voyant rien, se mit sur le coté et tendit sa main à Lucrezzia pour la faire entrer.

Il était aux aguets, la vue d'une aussi jolie femme provoquait souvent des écarts de conduite. Et ils n'étaient pas venus pour se battre mais pour passer un bon moment autour d'un bon repas.

Le silence était désormais total tandis que la belle magicienne faisait son entrée. Il n'y avait aucun chichi, aucune morve, aucun calcul dans son attitude, pourtant il se dégageait une sensualité subtile que tous les "mâles" ressentaient surement instinctivement.

Une fois la porte refermée, le brouhaha reprit progressivement, tandis que les regards se détachaient progressivement des deux Avalonniens.

Il s'approcha de l'aubergiste, celui-ci avait un large sourire en l'apercevant.
"Wal je suis content que tu sois venu, je t'ai réservé un petit coin tranquille...mais dis moi tu ne m'avais pas dit que tu avais invité un rêve !!! Tue me présnetes ?"

Wal sourit, l'aubergiste était un sacré charmeur, enfin tant que sa femme n'était pas en vue !!!

Il s'adressa à Lu :
"Lucrezzia je te présente Elfiron le maître de ces lieux, Elfiron je te présente Lucrezzia"

Au-dessus de la porte d’entrée, une enseigne de fer gémissait sous le vent d’automne.

Waldorf lui tendit la main et elle le suivit à l'intérieur.
Son regard inspecta rapidement les lieux, croisant au passage des regards furtifs, d'autres déplacés.

La pièce était assez grande; des chandeliers illuminaient les épaisses tables en bois dressées sur lesquelles ils étaient posés. Quelques tabourets de bar, un comptoir, où s’alignaient des bouteilles de sirop et d’alcool, la garnissaient. Trois fenêtres recouverte de lourd rideaux de velours jaune pour tenter de donner une luminosité à la pièce, donnaient sur la route.

L'aubergiste les accueillit avec un large sourire, visiblement Waldorf était déjà un habitué des lieux.

"Wal je suis content que tu sois venu, je t'ai réservé un petit coin tranquille...mais dis moi tu ne m'avais pas dit que tu avais invité un rêve !!! Tue me présentes ?"

Lentement elle se tourna vers lui, un sourire se dessinait sur ses lèvres, ses yeux avaient un éclat insoutenable, il rayonnait tel un astre.

-Un petit coin tranquille pour rêver ?... si vous nous montriez ce petit éden ?...

L'homme semblait figé pendant quelques instants, puis se ressaisit et les invita à le suivre vers le fond de la salle en bredouillant quelques mots incompréhensibles.

Un grand feu de bois flambait dans la cheminée prête à accueillir le plus gros des sangliers.. Ils s' en approchèrent et tendirent leurs mains à la chaleur du foyer, pendant qu'une serveuse dressait la table à coté d'eux.

Elle était ailleurs, elle voyait tout ce qui se passait, répondait même aux questions mais rien ne retenait son attention.
Cet homme avais un charme fou et il le savait, il suffisait de voir le sourire insolent quand elle avait croisée son regard la première fois à Erevia.

Elle prit le verre qu'on lui proposait et le porta machinalement à ses lèvres.
Ils étaient installés depuis peu quand Elfiron s'approcha de leur table en souriant avec une bouteille de vin; Il leur servi à boire, puis laissa la bouteille sur la table avant de retourner à ses occupations.

Elfiron leur avait réservé le meilleur endroit de la partie restaurant de son auberge. La cheminée envoyait ses reflets rouges orangés sur les murs de pierre. Le bois huilé, omniprésent, ajoutait de parfaire la douceur des lieux.

Le petit coin ressemblait presque à une alcôve, les abritant de la vue directe des autres clients tandis qu'ils pouvaient, à loisir, embrasser du regard toute la salle.

Un endroit charmant et aussi une belle position défensive. Il n'y pouvait rien c'était plus fort que lui, malgré la charmante présence de Lucrezzia il analysait les options de replis possibles. Une porte était à moins de trois mètres et même si elle était fermée, un bon coup d'épaule la ferait voler en éclat.

Elfiron vint leur servir à boire et laissa la bouteille sur la table. Waldorf tendit un verre à Lucrezzia avec un sourire. Ils trinquèrent tous les deux avant de tremper leurs lèvres dans le nectar. Un vin charnu et sensuel qui réveillait les sens et faisait danser de joie les papilles.

Elle ne disait rien et semblait ailleurs. Il avait surprit son regard pénétrant quelques instants auparavant au moment ou Elfiron les avait salués. Il lui devait quelques explications. Il ne fallait jamais laisser des questions sans réponses...

il lui dit :
" j'espère que l'endroit vous plait, si quelque chose vous manque dites le moi je tacherais de vous l'apporter. Comme vous avez pu le constater je connais Elfiron et je suis déjà venu dans cette auberge.

Après ma volonté de rester seul pour fair le point, j'ai traversé une période difficile ou les tavernes ont souvent été des refuges. Je ne suis pas très fier de ces moments mais après avoir pratiquement touché le fond il s'est produit comme un déclic, quelque chose me disait que je faisais fausse route.

Il était temps pour moi de me retrouver, j'ai cessé de noyer mes pensées dans la boissson, reprit l'entrainenement et tenter de manger sainement. C'est à ce moment la qu'Elfiron a croisé mon chemin....

Mais je parle, je parle, je ne voudrais pas vous ennuyer en monopolisant la conversation, dites le moi simplement car vous ennuyer ne fait pas partie de mes souhaits...."

" j'espère que l'endroit vous plait, si quelque chose vous manque dites le moi je tacherais de vous l'apporter.

- Ici ou ailleurs, quelle importance quand on apprécie la compagnie ... Laissez faire Elfiron pour le service, le tablier blanc lui sied à ravir.

Comme vous avez pu le constater je connais Elfiron et je suis déjà venu dans cette auberge.

*Le contraire m'aurait étonné*
-Vous n'avez pas à vous justifier de quoi que ce soit. Dit-elle en souriant. Si personne ne vient ce serait la fin de ces commerces.

Waldorf reprit à parler. En quelques mot il résumait ses faits et gestes depuis leur rupture.

*Les âmes malades d'ennui ne peuvent, quoi qu'elles fassent, briser leur solitude en cherchant l'oubli dans le fond des bouteilles.
Pourquoi ce besoin de se justifier ? Pourquoi maintenant ?*

Mais je parle, je parle, je ne voudrais pas vous ennuyer en monopolisant la conversation, je vous ennuie peut être, dites le moi simplement car vous ennuyer ne fait pas partie de mes souhaits...."

Elle faisait machinalement tourner son verre entre ses doigts en le détaillant, ce n'était pas ce qu'il disait qui la dérangeait mais la façon de le faire.

Elle se remémora le jour ou il l'avais entrainé loin du brouhaha du pique-nique.
"Je sais que vous aimez la franchise, je vais donc tenter de l'être le plus possible." Avais t-il dit.

Elle aimait la franchise oui ... mais elle détestait qu'on tourne au tour du pot.

Bien que la température ambiante était agréable à coté de la cheminée, le givre se formait peu à peu sur le verre vide entre ses mains. Elle retira vivement les mains du verre. Elle n'aimait pas ressasser le passé.

- Et si vous mettiez de coté le passe ? Pourquoi sommes nous là ?

Il reposa son verre et la regarda droit dans les yeux. Il avait oublié à quel point elle pouvait être directe, cela le gênait autant que cela l'attirait. Sa réaction était compréhensible, il dinait comme des amoureux mais il avait prit la décision de s'éloigner d'elle...

Il respira profondément et lui dit :
"Vous avez raison, qu'importe le passé, nous sommes ici parce que je veux vivre l'instant présent à vos cotés. Pas seulement dans les batailles mais aussi et surtout dans l'intimité. Je veux vivre et profiter du temps, qui est et qui vient, et je veux le faire avec vous..."

Il n'osait bouger mais il mourrait d'envie de lui prendre la main, de sentir sa peau contre la sienne et le souffle doux de sa respiration dans son cou.

Il attendit la réponse qui le délivrerait ou le mortifierait....

Elle parla d'une voix neutre, tout en soutenant son regard.

-Vivre le moment présent ... sans regret pour le passé ... sans projet pour l'avenir ... vivre pleinement chaque journée, chaque heure, chaque seconde ... comme si le temps était compté ... ou pas ...

Elle sorti de sa poche une vielle montre gousset. Sur le couvercle se dessinait, en relief, un motif aussi mystérieux qu' original. L' évocation de l'écriture d’une civilisation lointaine, un talisman ancien …
Elle ouvrit la montre et la posa sur la table. On pouvait voir un cadran blanc, et des aiguilles en “lune”. Aucun chiffre.

-Chacun de nous a sa conception du temps, son horloge intérieure, il suffit de l'arrêter pour qu'une minute devienne la plus longue de notre vie, ou l'avancer pour ne pas voir le temps passer.
Regardez les aiguilles !!

La magicienne se concentra sur les aiguilles de la montre, celles ci firent plusieurs tours du cadran avant de s'arrêter.
La sale était à présent quasiment vide, les derniers clients s'apprêtaient à régler leur note avant de quitter l'auberge.

Elfiron salua les clients en les accompagnant à la porte et s'apprêtait à fermer, puis comme s'il sentait le regard posé sur lui il se retourna vivement vers leur table.
Il s'approcha, les traits de son visage décomposés et se confondant en milles excuses.

-Je suis impardonnable!! comment ais-je pu...

-Si vous nous ameniez le menu qu'on puisse choisir ? et une autre bouteille de cet excellent vin ? Dit-elle avec un sourire coupant court à l'embarras de l'aubergiste.

-Permettez moi de vous offrir cette bouteilles et celles à venir, le diner aussi sa va de soi. Le menu ne sera pas nécessaire on vous apportera nos spécialités.
C'est la moindre des chose pour réparer mon impair.

Il partit aussitôt, donnant des consignes aux serveuses encore présentes.
Ce fut un défilé de plat, les uns plus appétissants que les autres.
Elle surprit le regard parfois amusé de Waldorf parfois emplit de détresse, d'impatience, la curiosité de savoir ce que lui réservait la magicienne.

Ils étaient au dessert quand elle lui demanda de regarder à nouveau la montre.
Cette fois les aiguilles se figèrent.
Les serveuses, les flammes de la cheminée, plus aucun son n'arrivait des cuisines ou des chambres à l'étage.

-Elfiron à vécu les heures les plus courtes de sa vie ... là il pourrait vivre la nuit la plus longue ... ceci est ma conception du temps. Le temps pour moi à peu de valeur si ce n'est de le vivre pleinement.
Étés vous sur de vouloir profiter de ce temps avec moi ?

Avant qu'il puisse répondre elle disparut de sa chaise pour se matérialiser assise sur ses jambes, les yeux pétillants de malice. Elle caressa son visage du bout des doigts, délicatement elle prit son visage entre ses mains et l'embrassa. Elle senti les bras du guerrier se refermer sur elle, la chaleur de son corps.

Elle se matérialisa face à lui sur sa chaise, le sourire en coin. Les bras de Waldorf se referment dans le vide.
Elle saisi la montre sur la table et la referma.
De la cuisine arriva aussitôt un bruit de vaisselle cassé, puis les jurons.

-C'est l'heure du dessert !!

Waldorf ouvrit des grands yeux tandis que Lucrezzia s'en donnait à coeur joie en jouant avec le temps. Il avait lui-même vécu déjà des siècles sans savoir que cela représentait des siècles. Il vieillissait désormais et l'idée que sa fin était inéluctable rendait son existence encore plus exaltante.

le temps présent et à venir comptait désormais plus que tout et il en avait la parfaite illustration devant lui.

Le pauvre Elfiron ne devait plus rien y comprendre, mais ce n'était pas bien méchant. Ils dégustèrent le festin, il attendait toujours la réponse de la magicienne mais elle semblait prendre son temps.

La fin du repas approchait, et vint la question qu'il avait tant attendu. Il allait répondre quand soudain un langoureux baiser le rendit muet. Prit par surprise il mit quelques secondes avant de réagir. Tout en profitant de ce baiser passionné il referma ses bras sur ce corps tant désiré mais ses bras ne rencontrèrent que le vide...

Elle se retrouva devant lui sur sa chaise avec ce petit sourire féminin qui semblait dire : "je t'ai bien eu... non ?"

Il ne put s'empêcher de partir dans un grand éclat de rire, la démonstration avait été époustouflante. Il avait encore le gout de ses lèvres sur les siennes et ce souvenir calma son rire.

Il posa sa main sur la montre et lui dit en guise de réponse :
"Ne l'ouvrez plus, s'il vous plait, ou bien uniquement pour rallonger les instants que nous passons ensemble et ceux à venir, c'est mon plus cher désir...."

Le dessert allait arriver mais il ne voulait pas faire disparaitre ce gout qu'il avait sur les lèvres....

-N'ayez crainte ... il n'est pas dans mes habitudes de jouer avec le temps des autres.

Elle surprit le regard interrogateur D'Elfiron. L'aubergiste, bien que très discret, semblait commencer à se douter de ce qui pouvait être la cause de la confusion qui régnait dans son esprit depuis leur arrivé, et avait de plus en plus de mal a contenir son envie de s'approcher pour leur demander de quoi il en retournait.

-Je crois qu'il meurt d'envie de savoir ce qui lui est arrivé. Il nous a servi comme des Roi, on va pas le laisser sur sa faim !

"Je crois qu'il sera ravi de venir à notre table, de plus il est très curieux et cela me permettra de mieux vous le présenter"

Il se tourna vers l'artiste cuisinier et lui dit :

"Elfiron, mon ami, dés que tu as un instant, viens donc partager notre table un moment, nous voudrions te remercier pour ce succulent diner"

Elfiron ne se fit pas prier, il avait tout son temps, il ne restait plus que Lucrezzia et Waldorf. Il s'assit avec une bouteille ne portant pas d'étiquette et les yeux pétillants de curiosité entreprit de l'ouvrir

Elfiron :
"Je ne comprend pas très bien ce qui m'est arrivé, mais il m'est avis que vous n'êtes pas étranger au phénomène. Quoiqu'il en soit vous allez me gouter cette liqueur, à chacun ses pouvoirs, le mien s'apprécie par le palais..."

Waldorf sourit en pensant à l'incorrigible fierté de son ami pour tout ce qui concernait la boisson ou la nourriture. Cela avait d'ailleurs faillit lui couter la vie...

Elfiron avait rempli trois verres de l'étrange liqueur. Elle était d'un bleu profond mais des reflets argent l'irisaient par moment, on aurait dit une matière vivante. Il tendit le premier verre à Lucrezzia tout en la dévorant des yeux puis, presque à regret, tendit un verre à Waldorf.

Lorsqu'il prit le verre dans sa main, des myriades de petites lueurs apparurent donnant l'impression d'un feu d'artifice miniature à l'intérieur du verre.

Content de son effet il se tourna vers Lucrezzia puis vers Waldorf et leur dit :

"A chacun sa magie, belle dame, buvons à la beauté, à la force et au gout"

Il trempa ses lèvres dans l'étrange liqueur, invitant ses deux convives à en faire autant.

Pour Waldorf la surprise fut de taille, il n'avait jamais rien bu de pareil. Il lui semblait que c'était cette boisson qu'il recherchait depuis toujours. Ses papilles ne savaient plus ou donner de la tête tandis que les saveurs changeaient au fur et à mesure. Tous ses sens semblaient décuplés pour apprécier encore plus le plaisir divin du nectar.

Lorsqu'il reposa son verre, un sourire presque béat éclairait son visage.

Elfiron scrutait leurs réactions, un peu comme un enfant tout excité à l'idée de montrer ses jouets.

Il leur dit :

"J'ai mis des années à élaborer ce breuvage, il est extrêmement difficile à faire mais le résultat le vaut bien. Ce nectar s'adapte à vos papilles et vous délivre les saveurs qui vous sont propres et que vous êtes censés adorer. L'expérience est donc totalement personnelle et unique et peut se modifier avec le temps...Sans toi, Waldorf je n'y serais, probablement, jamais arrivé..."

Waldorf
"Oui et cela aurait été dommage, j'ai adoré l'expérience...

Il se tourna vers Lucrezzia avec des yeux brillants de désir:

"Qu'en pensez vous très chère ?"

-Laissez moi le 'temps' de ranger cet objet et je vous dis sa.

Elle laissa glisser la montre dans une des poche puis prit le verre qui lui avait été servi.

Elle trempa ses lèvres dans la liqueur qui à première vu lui semblait de l'encre d'une belle couleur bleu métallisée.
La liqueur aux notes fruitées lui laissa en bouche une harmonieuse ampleur aromatique.
L'intense parfum des fruit exotiques. L'équilibre remarquable entre l'acidulé et le sucré dégageait une vive impression de fraicheur, prolongeant le plaisir.

-Cette liqueur est une source magique, sa couleur , son gout ... le résultat est ...Hip-no-tiq !!
Mais dites moi vous avez consacré votre vie a découvrir cet élixir de gout ?

Elfiron s'empourpra légèrement et répondit à Lucrezzia :

"J'ai commencé mes recherches il y a 20 ans, mais ce n'est que récemment que j'ai réussi à le mettre au point presque entièrement. Il ne faut pas trop en boire car au delà de ses effets premiers il peut, chez certaines personnes, provoquer une accoutumance et des réactions...hum...comment dire légèrement aphrodisiaques."

Devant le regard étonnée de la magicienne il continua :

"Mais je vous rassure, cela n'arrive qu'au deuxième ou troisième verre et les esprits forts résistent très bien à l'accoutumance, vous ne devriez pas en souffrir. Je travaille à éliminer ces derniers effets secondaires mais je ne sais pas combien de temps cela prendra t-il"

Il laissa un silence tout en contemplant la bouteille contenant son breuvage et reprit.

"De toute façon je ne pourrais bientôt plus faire mes expériences, les ingrédients me manquent et cette bouteille est la dernière en ma possession.

Waldorf eut un regard surprit :
"Mais, tu ne m'avais pas dit ça, tu aurais du la garder..."

Elfiron
"Sans toi Wal, je n'aurais jamais pu produire cette bouteille je te devais bien ça non !!! et puis quoi de plus gratifiant que de voir le sourire d'une aussi jolie femme buvant ma création..."

Devant le regard interrogateur de la magicienne il regarda Waldorf et poursuivit :

"Tu ne lui as pas raconté ?"

Waldorf :
"Elfiron...heu...Lucrezzia et moi n'avions pas dinés ensembles depuis un
moment..."

Elfiron :
" Ah je comprends, eh bien t'es un idiot...hihihi..."

Elfiron regarda Lucrezzia puis indiqua du menton Waldorf:

"Ce gros nigaud qui vous a délaissé m'a sauvé la vie, d'un autre coté si il ne vous avait pas délaissé il n'aurait surement pas été présent pour me sauver la vie...enfin bref..."

Il prit la main de Lucrezzia comme si il était ravi de narguer le grand guerrier et continua

"Je suis un ancien commis aux cuisines su roi Victor, j'ai gravi les échelons un à un, au mérite, et je me suis finalement retrouvé second cuisinier du Roi. Malheureusement pour moi le chef cuisinier, Cameron, avait un bien piètre talent mais une belle "gueule" et il était protégé par une des favorites du Roi.

Du coup tout le travail me revenait tandis qu'il récoltait la gloire et les honneurs. L'accès aux cuisines et aux garde-manger du Roi suffisaient amplement à mon bonheur à cette époque. Je décidais de concocter mon fameux breuvage et j'y passais la plupart de mes nuits.

Un soir que je cherchais des ingrédients dans un des garde-manger j’entendis des rires dans la cuisine, prenant un couteau je tentais d’apercevoir de quoi il retournait. J’aperçu Cameron en compagnie d’une fort jolie femme, ils riaient tandis qu’ils se poursuivaient entres les fourneaux. Je vous laisse imaginer la suite...

Je tentais de sortir des cuisines sans me faire remarquer mais ma tête heurta une casserole pendue à son crochet. Le bruit fut assourdissant et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, une torche m’éclairait.

Je n’oublierais jamais le regard de Cameron, un mélange de stupeur et de fureur. Il me dit :

« j’ignore ce que tu fais la mais tu n’as rien vu, c’est compris…allez hors de ma vue »

Je ne me fis pas prier mais tout en m’éloignant j’entendis la jolie femme s’entretenir avec mon chef et ce que je saisis me glaça le sang, elle lui avait dit :

« c’est lui ou toi, si il parle nous sommes morts tous les deux, mon mari et le Roi ne plaisante pas avec l’adultère, tu veux prendre ce risque…il ne doit pas voir le jour se lever !!!! »

Je fus prit d’une peur panique et je m’enfuis sans demander mon reste. Persuadé que Cameron et cette jeune femme me ferait pourchasser jusqu’à ma mort je galopais aussi vite que possible aux frontières du royaume. Je parvins finalement à Itix dans un piteux état mais vivant. Je n’osais m’aventurer très longtemps en ville de peur de me faire reconnaitre, aussi je décidais de m’installer dans les bois environnants.

Après quelques mois, je commençais à reprendre espoir, pensant que plus personne n’était à mes trousses je revins à Itix et me fis engager comme commis dans cette taverne. Je repris la confection de mon breuvage à mes heures perdues mais le garde-manger de la taverne n’avait rien à voir avec ceux des cuisines du roi Victor.

Mon infortune me désespérait mais j’étais en vie, je fis donc contre mauvaise fortune bon cœur. C’est à ce moment la que j’ai rencontré Waldorf"

Il se tourna vers le guerrier en lui faisant un clin d’œil et poursuivit :

"C’était un habitué de la taverne, surtout le soir, il buvait beaucoup et tentait visiblement d’oublier quelque chose par la boisson. Mais depuis quelques jours il semblait parfaitement sobre et il se mit à bougonner devant le ragout qu’on lui servait"

Il se tourna vers Lucrezzia et continua

"Remarquez, il n’y avait rien d’étonnant à cela, le cuisinier…pftttt…enfin si on pouvait l’appeler comme ça, il avait du apprendre la cuisine dans une forge !!! Je n’avais jamais parlé à un des clients auparavant mais tout en balayant la salle je m’approchais de sa table et lui dit en marmonnant pour ne pas que cela s’entende trop :

« Le ragout n’a pas l’air de vous plaire, voudriez que je vous amène quelque chose d’autre »

Waldorf fut légèrement surprit de voir que j’avais le don de la parole, mais d’un geste repoussa le ragout et hocha de la tête.

Je repartis en cuisine et, sans me faire remarquer, je lui préparais un plat de ma composition et lui servit. Il me regarda étrangement mais commença à manger. L’étonnement que je lus sur son visage valait tous les remerciements du monde. Il termina son repas et me fit un petit signe discret.

Je m’approchais et il me demanda qui avait fait ce plat. Quand je lui répondis que c’était moi il plissa les yeux et me dit :

"Tu devrais laisser ton balai et te mettre derrière un fourneau, il y a bien longtemps que je n’ai pas mangé quelque chose d’aussi bon, même la cuisine de notre château n’est pas aussi bonne."

Je répondis que cela ne tenait pas qu’à moi, cela le fit sourire, il se leva et se dirigea vers l’alcove ou se pavanait le patron de la taverne. Je ne saisis pas la conversation qu’ils ont eus tous les deux mais je vis presque courir
vers moi le patron qui me dit :
"toi !!!, désormais tu bosses aux cuisines"

Surprit je regardais Waldorf au bout de la salle qui me fit un petit signe de tête avant de sortir de la taverne.

A partir de ce moment je retrouvais le gout de la vie, je réorganisais la cuisine, l’approvisionnement et tous les menus. La taverne refusait désormais du monde pour déjeuner et diner. Waldorf avait sa table réservée et il venait déjeuner tous les midis et tous les soirs, il avait demandé des repas les plus équilibrés possibles et ne buvait plus du tout. Il avait perdu tout l’embonpoint que je lui connaissais et semblait désormais dans une forme du tonnerre.

Mais ce fut à ce moment que tout bascula…j’étais seul dans la taverne au milieu de l’après midi quand quatre hommes entrèrent, ils me dévisagèrent et un mauvais pressentiment m’envahit. Ces hommes se postèrent aux
issues avec un rictus qui me glace le sang. Puis la porte s’ouvrit et je vis entrer Cameron. Il se dirigea vers moi et dit :

"Elfiron, Elfiron, tout ce chemin pour te retrouver, remarque il m’a suffit de savoir qu’une taverne des frontières extérieures servaient, soit disant, les meilleurs repas du royaume pour savoir ou tu étais…amusant de penser que c’est ta cuisine qui va te perdre…allez ne fais pas d’histoire et cela sera rapide !!!"

Je n’avais aucun moyen de fuir et les hommes de Cameron me saisirent et m’entrainèrent vers la porte de derrière. J’avais beau réfléchir à toute vitesse je ne voyais aucun moyen de fuir. Ils me poussèrent dans le bois
qui jouxtait la taverne et me mirent à genoux, ma dernière heure était
arrivée !!! »

A ces mots Elfiron eut du mal à parler, il se servit un verre le vida d’un trait et poursuivit :

"j’entendis le bruit d’une lame sortant de son fourreau tandis que l’un des hommes approchait, cela dura une éternité et, comme sortit de nulle part, j’entendis la voix de Waldorf.

"C’est une petite fête entre amis ou on peut se joindre à vous..."

L’un des hommes s’avanca vers Waldorf tout en lui disant :

"Va donc voir ailleurs si on y est, tu te rendras service..."

"C’est une idée mais voila vous venez de troubler mon entrainement, alors je me dis qu’après tout vous feriez aussi bien l’affaire que mes mannequins de bois !!!"

Tout en parlant, Waldorf avait avancé pour se mettre entre moi et le plus proche des quatre hommes de telle sorte que je n'étais plus menacé directement. Il prit une posture guerrière, invitant les hommes d’armes à venir se battre. Avec un rictus mauvais les quatre hommes se dispersèrent autour de Waldorf.

"Elfiron, dégage de la, reste pas dans mes pattes !!!"

Les quatre mercenaires, d’un commun accord attaquèrent en même temps. Il est très difficile pour moi de décrire le combat mais on aurait dit un ballet sanglant. Waldorf ne sortait pas d’un cercle imaginaire tout en tournoyant sur lui-même. Il repoussa trois ou quatre fois les assaillants et d’un coup se redressa et clama haut et fort :

« Cela suffit, vous avez eu la possibilité de cesser le combat à plusieurs reprises, je ne joue plus !!! »

Le premier reçut un coup d’épée en plein cœur, le second fut décapité, le troisième fut éventré et il brisa la nuque du quatrième. Waldorf se pencha sur le dernier corps tandis que je me rapprochais. Soudain un léger bruit me fit tourner la tête et j’aperçus Cameron un peu plus loin qui bandait un arc en direction de Waldorf. Il ne m’avait pas vu, tout concentré sur sa visée. C’en était trop pour moi je fis aussi vite que possible, ramassait une grosse
branche et l’abattit sur sa tête au moment ou il tirait. Le coup partit et je vis la flèche passer à quelques centimètres de la tête de Waldorf et se planter dans l’arbre voisin.

Je lâchais la branche tandis que Waldorf me rejoignait, je n’osais regarder le corps de Cameron. Waldorf me dit :

"Eh bien mon ami tu ne l’as pas raté, il ne viendra plus t’importuner celui-là"

L’adrénaline ne faisait plus effet et mes jambes se dérobaient sous moi, Waldorf me raccompagna à la Taverne ou je lui racontais toute mon histoire. Il me rassura en me disant que mes ennuis étaient terminés pour le moment et qu’il s’occuperait de ceux à venir. Il me proposa de devenir un Exilé mais j’aimais trop ma liberté.

Quelques jours après le patron de la taverne voulut vendre pour retourner à Ascalon, Waldorf m’avança l’argent pour que je puisse l’acheter et m’installer comme je le souhaitais. Il me donna aussi de l’argent pour me procurer les ingrédients qui me manquaient pour terminer ce nectar.

Malheureusement, on ne les trouve plus sur le marché, c’est pourquoi je vous disais que je ne pourrais bientôt plus faire mes expériences.

Voila vous savez tout, ou presque de moi, de moi. Tandis que moi j’ignore tout de vous belle dame"

Elfiron prit la parole, sa voix trahissait une forte émotion. L'homme semblait surprit de l'attention que pouvais porter Lucrezzia et waldorf sur sa personne, mais on lui donnait l'occasion de raconter son histoire et il ne se fit pas prier.

...hum...comment dire légèrement aphrodisiaques."

Surprise la magicienne se demanda avec qui il avait pu tester l'élixir pour avoir cette certitude sur les effets secondaires.
Elfiron ayant perçu son regard s'empressa de la rassurer.

"Mais je vous rassure, cela n'arrive qu'au deuxième ou troisième verre....

Il reprit son récit, la détresse prenait le dessus progressivement sur l'euphorie qui l'animait quelques instants plus tôt . Son regard semblait fixer la bouteille mais son esprit était déjà loin. Il en suivi un long silence avant qu'il reprenne. Son désarroi s'accentuait au fil de son récit, il fini par avouer ne plus pouvoir continuer ses expériences sans quitter des yeux la dernière bouteille.
Il essaya de reprendre contenance en remerciant Waldorf pour l'aide qu'il lui avait apporté puis se retournant vers la magicienne en flattant sa beauté.

Elle se demandait qu'elle aide avait pu apporter Waldorf, à par tester les effets secondaires. Cette idée la fit sourire intérieurement, mais elle n'en laissa rien paraitre.

"Tu ne lui as pas raconté ?"

Elle regardait tour à tour les deux hommes. L'un taquinait, pour cacher son état d'âme, l'autre embarrassé par les questions indiscrètes de ce dernier.

L'aubergiste semblait reprendre contenance et retrouver sa bonne humeur.
Tout en parlant il prit la main de la magicienne.
Le geste, qui pour certains pourrait apparaitre anodin dérangea fortement Lucrezzia qui sur un premier réflexe retira vivement sa main et s'apprêtait à foudroyer Elfiron, qui occupé à narguer Waldorf ne s'aperçut pas du regard meurtrier.

Le récit qui s'en suivi chassa de la tête de la magicienne le malheureux geste d'Elfiron.

Elle écoutait maintenant sans interrompre l'histoire d'un homme traqué vivant dans la peur, ou le hasard de la vie l'avais amené à rencontrer un autre homme capable de le sortir de son impasse et lui rendre confiance et espoir.
Bien qu'il semblait retrouver un train train de vie agréable, il n'en était pas moins sorti du danger. La courtisane en voulait à sa vie, et, tout comme Cameron, un jour elle pourrait le retrouver.

Voila vous savez tout, ou presque de moi, de moi. Tandis que moi j’ignore tout de vous belle dame"

Elle sourit à Elfiron.

- Votre vie n'a pas été de tout repos ...

La question l'avait prise au dépourvu.
Qui était-elle ? D'où venait-elle ? des questions sans réponse auxquelles elle ne s'attardait jamais à chercher la réponse.
Elle but alors deux longues gorgées et posa un regard vide sur le feu qui brulait dans la cheminée. Les flammes dansaient dans l’âtre et renvoyaient sur son visage des ombres qui la faisaient paraitre plus fantomatique.
Son seul souvenir, était l'enfer qu'elle avait traversée avant de trouver Tara et Texas. Les deux jeunes filles avaient survécues comme elle au désastre, mais aucun souvenir ne faisait surface avant cette période. Sa vie semblait commencer sur ces terres incendiées.

-Il se fait tard et vous avez des journées bien remplies, je serais heureuse de reprendre cette conversation avec vous un autre jour...

Il ressenti la gêne de Lucrezzia, elle n'aimait pas parler de son passé, il le savait. Elfiron était très curieux de nature et une question sans réponse était pour lui une sorte de torture intellectuelle. Il était temps d'intervenir.

"Mon ami, j'apprécie ton geste pour cette bouteille, nous pouvons surement t'aider pour la fourniture des ingrédients nécessaires à sa confection. Notre guilde est très puissante et nous avons accès à des endroits que tu n'imagines même pas. Fais nous une liste, je suis sur que beaucoup d'entre nous seraient ravis de gouter à ta création. Qui sait !!! nous pourrions même en faire notre boisson de guilde."

Il regarda machinalement par la fenêtre et plissa les yeux d'étonnement, le paysage semblait avoir changé, les lourds rideaux l'empêchaient de bien voir il les tira donc entièrement.

Ce qu'il vit le fit sourire

Durant le repas et la démonstration de la magicienne avec le temps, la neige était tombée de manière incroyable, elle était déjà au niveau de la fenêtre,tandis qu'au dehors on ne distinguait plus les routes, les clotures ou les arbustes. On en voyait plus aucune forme acérée, tout était en courbe douce.

Elfiron écarquilla les yeux de surprise en comtemplant le paysage :

"Eh bien, je n'avais encore jamais vu ça. Quoi qu'il en soit vous voila coincés ici pour le moment, même les oiseaux ne volent plus !!!"

Il se tourna vers ses invités avec un petit sourire en coin :

"Je vais vous faire préparer vos chambres...mais au fait....dois-je en faire préparer deux ?"

Waldorf ferma la porte derrière eux.
La chambre était assez spacieuse.
Des bougies allumées rendaient l'ambiance feutrée.
Lucrezzia s'approcha de la fenêtre regardant l'épais manteaux de neige qui recouvrait la ville.

*Coincés*

Rien ne pourrait les retenir, et certainement pas quelques flocons de neige, ils avaient acquis assez de connaissance pour pouvoir quitter ces lieux sans encombre.

Elle posa sa cape au pied du lit et entreprit l'inspection des lieux.
Une porte donnait sur la salle de bain, des draps de bain étaient pliés sur une chaise. Sur le bord de l'évier une savonnette parfumée, au dessus un miroir lui renvoyait son reflet et celui de Waldorf qui se tenait juste derrière elle.

Il était assez prés pour qu'elle puisse sentir son souffle et la chaleur qui émanait de la pierre.

Leurs regards se croisèrent dans le miroir, un feu intérieur semblait faire briller les yeux de Lucrezzia. Il pouvait admirer, à loisir sa somptueuse chute de reins et elle semblait même s'en amuser.

Il s'approcha encore un peu plus, il pouvait sentir l'odeur de sa peau et de ses cheveux. Il avait du mal à retenir son souffle qui devenait de plus en plus court tandis que des picotements délicieux lui parcouraient tout le corps.

Il ne réfléchissait plus, il se laissait guider par son désir de plus en plus vif.

Il posa ses mains sur sa taille, la ou les courbes de son corps prenaient naissance et l'attira contre lui sans brusquerie. Elle ne pouvait, désormais, ignorer son désir... Il se pencha vers sa nuque, attiré comme un papillon par la lumière, pour y déposer un léger baiser.